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Etrange histoire d'une chanson
Les grands succès ont parfois une bien étrange histoire! En voici un bel exemple qui donne à réfléchir...
En 1943, alors qu’il se rend à Perpignan en compagnie du chanteur Roland Gerbeau et de son pianiste Léo Chauliac, Charles Trenet écrit dans le train, en une vingtaine de minutes à peine, avec l’aide de ce dernier, la musique de sa chanson La Mer. Les paroles de la chanson ont toutefois été écrites bien avant la musique puisqu’il s’agit d’un "tout petit poème" (selon ses propres mots) que Trenet avait composé, alors qu’il avait 17 ou 18 ans.
Néanmoins, Trenet ne croit pas au potentiel de la chanson qu’il trouve « solennelle et rococo » et il ne l’enregistre pas tout de suite. Il la propose à la chanteuse Suzy Solidor qui la rejette en prétextant : « Des chansons sur la mer, on m’en envoie dix par jour ! ». Et quand il se décide enfin, en 1944, à intégrer La Mer à son répertoire, la chanson est fort mal reçue. On reproche notamment à la chanson son style "cantique en crescendo" qui parait assez incompatible avec le style léger du jour, le swing et que Trenet affectionne tout particulièrement. Bref, une chanson sans aucun avenir… pensait-on !
En 1945, après plus de quatre années d’occupation nazie, la France retrouve sa liberté. Charles Trenet cherche à traduire, à sa façon, son espoir d’un retour aux temps calmes de l’insouciance.
En 1946, l’éditeur musical Raoul Breton, de retour d’un voyage aux États-Unis, obtient de Trenet qu’il lui prête la mélodie de la chanson pour la faire enregistrer outremer par le célèbre clarinettiste Benny Goodman. Et "La Mer" devenue "Beyond the Sea" sera un énorme tube. Auréolée de ce succès instantané "à l’américaine", la chanson La Mer re-traversera l’océan pour faire son retour en France et devenir l’énorme succès que l’on connaît et qui la positionnera fièrement au sein du patrimoine musical français.
Composée sur le principe simple d’un crescendo orchestral, cette mélodie ample au lyrisme habilement répétitif, est non seulement le plus grand succès de la carrière du chanteur mais l’une des chansons francophones du siècle, adaptée et interprétée dans une multitude de langues et de styles musicaux.
Etonnant non?
Mistral gagnant
Dès la première mesure, les oreilles perçoivent une petite mélodie, très simple, dépouillée, mais d'une pureté et d'une force mélodique impressionnantes, prouvant à quel point l'artiste a évolué musicalement. Renaud en est-il vraiment l'auteur ? Toujours est-il que sa signature est apposée au bas de la partition. Et le dépouillement musical va poursuivre les paroles pendant toute la chanson, les enrobant discrètement de juste ce qu'il faut de chaleur, de tendresse et de mélancolie, nous guidant sur le chemin des sentiments qui n'ont alors plus aucune peine à passer. Deux tendances se dessinent dans la chanson: l'amour d'un père envers sa fille Lolita dans les plus simples gestes de la vie quotidienne, et la nostalgie du temps passé quand on revoit sa propre jeunesse au travers de son enfant. Ce second point passe presque inaperçu au travers de la chanson, effacé par le premier et sa complice musicale, mais je ne suis pas certain qu'à l'origine, le but recherché n'était pas diamétralement opposé ! Il ressort néanmoins de tout cela une chanson vraiment magnifique qui fera partie des incontournables de Renaud encore pour de longues années.
Le mistral gagnant est un bonbon. Il s'agit d'un sachet papier de poudre sucrée dans lequel on insérait une « paille » destinée à aspirer. Certains sachets étaient gagnants et permettaient d'en avoir un autre gratuitement. Il n'est plus produit aujourd'hui.
Renaud raconte que cette chanson ne devait pas figurer sur l’album, car il pensait qu’elle « était trop personnelle et n’intéresserait pas grand monde. ». Appelant sa femme Dominique depuis le studio d’enregistrement, il la lui a chantée au téléphone. Après l’avoir entendue, elle lui a dit : « Si tu ne l’enregistres pas, je te quitte... »
Finalement, elle devient la chanson de référence qui donne son titre à l'album. Et avec quel succès! Apprise dans les écoles, reprise avec une poignante sincérité par Vanessa Paradis et Maxime Le Forestier lors d'une soirée des "Enfoirés", cette chanson d'enfance enfuie est déroulée comme une écharpe de souvenirs sur une ligne de piano volatile et brillante d'une émouvante simplicité, à l'image d'une berceuse à la valse lente. Superbe, incontournable et assez puissante pour piquer les yeux.
Mistral Gagnant:
A m'asseoir sur un banc cinq minutes avec toi
Et regarder les gens tant qu'y en a
Te parler du bon temps qu'est mort ou qui r'viendra
En serrant dans ma main tes p'tits doigts
Pis donner à bouffer à des pigeons idiots
Leur filer des coups d' pieds pour de faux
Et entendre ton rire qui lézarde les murs
Qui sait surtout guérir mes blessures
Te raconter un peu comment j'étais mino
Les bonbecs fabuleux qu'on piquait chez l' marchand
Car-en-sac et Minto, caramel à un franc
Et les mistrals gagnants
A r'marcher sous la pluie cinq minutes avec toi
Et regarder la vie tant qu'y en a
Te raconter la Terre en te bouffant des yeux
Te parler de ta mère un p'tit peu
Et sauter dans les flaques pour la faire râler
Bousiller nos godasses et s' marrer
Et entendre ton rire comme on entend la mer
S'arrêter, r'partir en arrière
Te raconter surtout les carambars d'antan et les cocos bohères
Et les vrais roudoudous qui nous coupaient les lèvres
Et nous niquaient les dents
Et les mistrals gagnants
A m'asseoir sur un banc cinq minutes avec toi
Et regarder le soleil qui s'en va
Te parler du bon temps qu'est mort et je m'en fou
Te dire que les méchants c'est pas nous
Que si moi je suis barge, ce n'est que de tes yeux
Car ils ont l'avantage d'être deux
Et entendre ton rire s'envoler aussi haut
Que s'envolent les cris des oiseaux
Te raconter enfin qu'il faut aimer la vie
Et l'aimer même si le temps est assassin
Et emporte avec lui les rires des enfants
Et les mistrals gagnants
Et les mistrals gagnants
Mon amant de Saint Jean
Mon amant de St Jean est un des "tubes" du répertoire des belles chansons françaises. Pour savoir d'où vient ce titre, il faut raconter l'histoire d'Emile...
Emile CARRARA naît à Paris le 2 août 1915 dans une famille de musiciens italiens immigrée. « Milo » se passionne très tôt pour l'accordéon et démontre très vite ses talents Atteint d’un handicap physique (problème de cheville), le jeune Milo se réfugie dans la musique dont il connaîtra les secrets avant de savoir lire et écrire. Dès les années 30, à tout juste 15 ans, il se produit dans de nombreux établissements de Paris : au Boléro, dans des dancings, des brasseries.... Puis, il accompagne sur scène les plus grandes vedettes du Music Hall. Il tourne également dans quelques films.. Emile CARRARA échappe à la Mobilisation de 1939 en raison de son handicap. Les Disques Pathé l'engagent en 1941.
Il s’associe alors à Léon AGEL, un éditeur de la porte St Martin et parolier déjà connu, co-auteur avec son frère Gilbert du Dénicheur interprété en 1912 par Berthe SYLVA.
En 1942, ils décident ensemble de composer une valse qu’ils intitulent Les Barbeaux de Saint-Jean, rebaptisée Mon Costaud de Saint-Jean chantée par Jane CHACUN, la Reine du Musette . Mais la chanson n'accroche pas, peut-être les paroles sont-elles jugées trop populaires ? Emile et Léon, ne baissent pas les bras. Ce dernier modifie les paroles et Emile le titre. La chanson devient Mon Amant de Saint-Jean et « Milo » la dédie à sa fiancée pour marquer leur promesse faite dans une coquette auberge de Saint-Jean-aux-Bois, dans la Forêt de Compiègne. Lucienne DELYLE, dont la réputation se répand, accepte de l‘interpréter. C'est immédiatement un succès. La chanson est diffusée sur Radio Paris et plusieurs stations de province, en dépit de la censure allemande, mais il n'y a aucune parole subversive dans le texte…
Mon Amant de Saint-Jean deviendra l'un des plus grands succès de la chanson française, reprise en leitmotiv dans le film Le Dernier Métro, de François TRUFFAUT en 1980, par Edith PIAF, Charles TRENET, et en 2002 par Patrick BRUEL (incluse dans son album de chansons anciennes Entre deux, où les paroles sont mises à la troisième personne)
Les Croquants la reprennent également sur un tempo plus rapide en 2000 comparable à celui pris par le GROUPE (2.3.R.).
Après ce succès, Emile composera d’autres chansons mais sans avoir l’impact de l’Amant de St Jean. En 1948, il fonde Le Club de l'Accordéon. En 1951, il ouvre un magasin de musique dans le Faubourg Saint-Martin, quartier de prédilection de la musique de variété et du gratin de l'accordéon. Emile CARRARA devient l'éditeur de ses propres oeuvres et représentant de la maison HOHNER avec laquelle il met au point de nouveaux modèles d'accordéons.
Il restera toujours actif, entre tournées enregistrements, émissions et l'animation de grands bals populaires, jusqu'à sa disparition le 11 mars 1973.
La vie en rose
Un grand succès d'Edith Piaf! Avec Le Temps des cerises et quelques autres rengaines, La Vie en rose figure une manière de patrimoine. Elle a pourtant failli ne jamais voir le jour.
Nous sommes en 1945, la guerre vient de s'achever et Piaf est au sommet de sa gloire. Elle a traversé l'Occupation avec astuce, ménageant la chèvre et le chou avec suffisamment de malice pour ne pas être inquiétée par les tondeurs de «chiennes». En cheville depuis quelques mois avec le tout jeune Yves Montand, elle file le parfait amour dans la France libérée. C'est là qu'elle décide d'écrire une chanson de son cru. Jusqu'alors, l'ancienne «môme Piaf» chantait les grands succès des autres : pourquoi ne pas s'essayer à l'exercice? Ainsi naît La Vie en rose. Et même si certains disent que le poème aurait été en grande partie soufflé par son parolier attitré, le génial Paul Durand, il semble que cette astucieuse mirlitonnade sentimentale ait réellement été concoctée par Édith Piaf.
Efficacité, simplicité, le texte est en place. Reste à trouver la musique. Piaf a bien un air en tête, mais l'ancienne chanteuse de rue n'a jamais été une vraie musicienne. Son amie et confidente de toujours Marguerite Monnot (à qui l'on devra les musiques de Milord, L'Hymne à l'amour et certains des plus grands succès de Piaf) veut bien lui donner un coup de main, mais l'exercice tourne court. Elle fait alors appel à son accompagnateur, le pianiste Louiguy. Ce fils d'un violoncelliste de Toscanini travaille avec elle depuis le début de la guerre. On lui doit certains des plus gros succès de l'Occupation, au premier rang desquels le joyeux Ça sent si bon la France (1942), où Maurice Chevalier exaltait les valeurs d'un Clochemerle aimablement pétainiste. Mais ce Franco-Italien né en Espagne, destiné à devenir l'un des principaux compositeurs pour les films de Guitry et Cayatte, est rompu à l'exercice. C'est lui qui met en notes la mélodie que Piaf avait dans la tête.
Bizarrement, Piaf n'est pas convaincue. Elle range même la chanson dans un tiroir, sans doute appelée ailleurs. Et lorsqu'elle la ressort, c'est pour en donner la primeur à son amie la chanteuse Marianne Michel, qui en sera la première créatrice, dans les music-halls parisiens. On dit même qu'Édith Piaf aurait composé cette chanson à l'intention de Marianne Michel, sur une nappe en papier d'une terrasse de café. On susurre également que Piaf aurait d'abord écrit Les Choses en rose et que son amie lui aurait suggéré La Vie en rose. Enfin, n'étant pas enregistré à la Sacem comme compositeur, Piaf aurait donné le patronyme de Louiguy en guise de prête-nom. Mais le musicien va vite revenir sur cette version, persistant à assumer la paternité de ces notes.
Certes, on ne prête qu'aux riches, mais la chanson obtient un tel succès que Piaf décide de l'enregistrer elle-même. Ce sera le 9 octobre 1946, alors même que sa carrière va prendre un essor international et que les États-Unis vont l'accueillir à bras ouverts. Depuis, La Vie en rose a fait la carrière que l'on sait. Tout le monde s'y est essayé: Yves Montand, Louis Armstrong, Marlene Dietrich, Dalida, Placido Domingo, Mireille Matthieu, Ute Lemper, Diana Krall, Diane Dufresne, Patricia Kaas, et jusqu'à Khaled et Clémentine Célarié. La version disco de Grace Jones est également très célèbre, et l'on ne compte plus ses adaptations-trahisons, sous le clavier d'un Clayderman ou l'archet d'un André Rieu.
Le Sud (Nino Ferrer)
Ce fut le dernier grand succès d'un dandy hanté par le soleil noir de la mélancolie. Il se suicida le 13 août 1998, à deux jours de ses 64 ans.
Il avait choisi le lieu. À plusieurs kilomètres de son domaine de la Taillade, sur la commune de Saint-Cyprien, dans le Lot, un champ de blé fraîchement moissonné, un bouquet d'arbres qu'il avait peint. Il a visé le cœur. Une mort de paysan pour un aristocrate de l'âme. Il a laissé une lettre pour les siens. Sa détermination est implacable. Sa mère adorée, Mounette, s'est éteinte en juin. Il a pieusement dispersé ses cendres jusqu'en Nouvelle- Calédonie, là où elle était née, là où il avait vécu une partie de sa petite enfance.
Ainsi Agostino Ferrari, né à Gênes le 15 août 1934, d'un père italien, ingénieur, tire-t-il sa révérence à deux jours de ses 64 ans. Il n'avait jamais vraiment aimé Nino Ferrer. Ce rigolo, qui chantait Z'avez pas vu Mirza? ou bien Les Cornichons, ne s'était jamais complètement reconnu en lui. Pourtant, Nino Ferrer avait connu la gloire, l'argent, les femmes, l'amitié de ses pairs, l'admiration d'une génération nouvelle. D'où venait qu'il y eût en lui, toujours, par-delà son allure solaire, son rayonnement de grand blond aux yeux clairs, athlétique et fin, délié, par-delà son goût de la séduction et du partage, du rire, de la démesure, un désespoir profond, quelque chose de ténébreux et d'inconsolé?
La vie n'avait été que malentendus… À commencer par les succès. Ce ne sont jamais les chansons qu'il aimait le plus qui marchaient, et le plus souvent les albums les plus élaborés étaient écrasés par un titre qui triomphait en 45 tours. C'est exactement ce qui advint avec Le Sud, si belle composition, si délicate épiphanie d'une vie heureuse et simple.
Le Sud va triompher en 1975 et se vendre à plus d'un million d'exemplaires. «Elle fut immédiatement considérée comme un classique», dit Christophe Conte, coauteur avec Joseph Ghosn d'une biographie précise (Éditions No 1, 2005). En 1973, lorsque Nino Ferrer la compose, il ne vit pas encore dans le Lot. Mais dans une superbe maison de Rueil-Malmaison, une demeure d'apparence coloniale, La Martinière ! Une maison du Vieux Sud à l'américaine. Ce qui convient parfaitement à ses rêves et à sa formation première. Sa musique, c'est le jazz, qu'il a appris tout seul, alors qu'il étudiait à la Sorbonne l'ethnographie, l'archéologie, la préhistoire… parce qu'il veut devenir… explorateur! Il y a toujours un horizon New Orleans dans la tête d'Agostino Ferrari… et dans le cœur de Nino Ferrer. À La Martinière, il a fait installer un studio d'enregistrement. En 1972, il a rencontré le guitariste anglais Mickey Finn, qui a joué avec Jimmy Page, de Led Zeppelin. On écrit parfois Micky pour le distinguer du percussionniste aujourd'hui disparu. Ils s'entendent à merveille. Mickey apparaît même dans une chanson de La Désabusion, album de 1993. «Si Mozart avait connu Micky/Ils auraient bu beaucoup de whisky»… Micky Finn appartient alors à The Heavy Metal Kids, du «glam rock» à la londonienne… Le groupe va devenir les Leggs lorsqu'il travaillera avec Nino Ferrer.
En cet été, un été très chaud, à La Martinière, il y a Jacqueline Monestier dite Kinou, l'ange secrétaire qui veille sur lui et qui sera son épouse à jamais, et Radiah Frye, une Américaine qui fréquente les milieux artistiques. Il est bien au milieu de ses femmes. Il crayonne ce qu'il voit: «C'est un endroit qui ressemble à la Louisiane/À l'Italie/Il y a du linge étendu sur la terrasse/Et c'est joli/On dirait le Sud/Le temps dure longtemps.» Sauf que c'est en anglais qu'il l'écrit…C'est une adaptation d'une chanson brésilienne, qui fait aussi référence à son pays d'enfance, la Nouvelle Calédonie.
Il est à l'époque sous contrat chez Barclay. La maison de disques ne veut plus de ce caractère ombrageux. Il présente pourtant un beau jour une maquette qu'il a lui-même produite en Angleterre… South. C'est Le Sud, mais en anglais… Nino ne cède pas. En anglais, sinon rien ! Barclay le lâche, et lui veut faire un disque «à deux voix» avec la belle Radiah ! Son Jiminy Cricket, l'homme qui aura sans doute été le plus important, depuis leur rencontre en 1953, dans l'amitié et le parcours de musicien, Richard Bennett, resurgit. Il est alors chez CBS. Il établit un contrat en or à son ami de jeunesse. Nino & Radiah, l'album, s'ouvre avec South. Mais il ne se vendra qu'à 60.000 exemplaires. Or, le 45-tours du Sud, lui, va s'envoler et se vendre à plus d'un million d'exemplaires (1975). Ce qui, dans les années 1970, produit une fortune, d'autant plus que Nino Ferrer est le producteur du disque, pas seulement l'auteur-compositeur- interprète.
Sa carrière est relancée. Il redevient richissime. Mais cela ne le satisfait pas. «Il refuse le succès comme l'insuccès», souligne Christophe Conte. Le Sud, chanson du bonheur de vivre, des belles choses de la vie, avive ses blessures, ravive son sentiment d'échec. Étrange personnalité que celle de Nino Ferrer. Le disque suivant, Suite en 9, ne se vendra qu'à mille exemplaires. Une catastrophe morale pour cet artiste ultrasensible et contradictoire…
Quelque temps plus tard, après avoir un moment pensé s'exiler aux États-Unis, Nino Ferrer va découvrir le Lot. Il est au paradis. Il le dit. Il le pense. Il s'installe à La Taillade en 1977. Les disques qu'il a enregistrés juste avant et ensuite ne marcheront jamais. «Je suis le noyé vagabond/Au fil de l'eau les jours s'en vont.» Il s'est mis à la peinture. Un surréalisme naïf et ardent. Femmes nues dans des paysages bucoliques. Il est tendre et doux. Amical avec ses voisins. Bon père, fils aimant qui fait des textes de son papa de jolies chansons et qui ne saura pas survivre à la mort de sa maman. "Tu te rends compte, j'ai écrit, composé et produit près de deux cents chansons, et les gens n'en connaissent que trois!" disait-il à un ami.
Comment une chanson banale au départ devient un grand succès international
Voici un nouvel exemple d'une chanson, gravée sur la face B d'un 45 tours d'un chanteur belge, qui a connu un destin inattendu et exceptionnel. L'histoire vaut d'être contée!
Marina est une chanson populaire de 1959 du chanteur belge Rocco Granata au sujet d'une jeune fille qui a donné son nom à la chanson.
La chanson Marina, en italien, a été écrite à la hâte par Rocco Granata parce qu'il lui fallait un titre pour la face B de son single Manuela, écrit par le duo des Italiens Enzo Bonaguraet Tarcisio Fusco. Mais ce fut la face B qui devint un grand succès international et fut numéro 1 aux hit-parades en Belgique, Italie, Allemagne ou encore Norvège. Ce furent plusieurs dizaines de millions d'exemplaires du 45 tours qui furent vendus.
La chanson est reprise en différentes langues par des artistes tels que Marino Marini, Willy Alberti, Dalida, Louis Armstrong, Dean Martin (texte en anglais de Ray Maxwell),Placo Jimenez, Caterina Valente, Celia Cruz,Perez Prado, Toots Thielemans et André Rieu, avant de devenir le grand succès des Gipsy Kings, puis de Chico and the Gypsies .
La chanson fut tellement populaire en Belgique qu'à l'époque de nombreux parents prénommèrent leur fille "Marina".
Granata a été inspiré pour donner le titre de la chanson par la marque de cigarettes "Marina".
Marina (Rocco Granato - Dalida)
Marina, Marina, Marina
Je sais qu´il est bon d´être aimé
Mais ne va, ne va pas Marina
Courir au devant des baisers...
Sans être certaine
Que l´on t´aime que l´on t´aime
Qu´on t´aime autant que moi-même
Oh non, non, non, non, non!
Si l´amour t´invite,
T'invite ma petite
Ne réponds pas tout de suite
Oh non, non, non, non, non!
Pour toi / Feelings / Dis-lui : histoire d'une seule et même chanson
En septembre 1956 Loulou Gasté compose une chanson intitulée Pour toi, sur des paroles du romancier Albert Simonin et de sa femme Marie-Hélène Bourquin, destinée à Dario Moreno, chanteur au répertoire surtout exotique, qui doit la chanter dans un film d'Henri Decoin, Le Feu aux poudres. L'interprétation de Dario Moreno n'a aucun succès. Line Renaud enregistre à son tour l'œuvre de son mari, qui ne connaît pas non plus un succès considérable. Elle est cependant interprétée et enregistrée, en France et à l'étranger, par une dizaine de chanteurs et d'orchestres.
En 1974, Morris Albert interprète en anglais une chanson dont il se dit l'auteur : Feelings, publiée à São Paulo par Augusta Do Brazil, éditeur brésilien. En 1975, cette chanson est réenregistrée par Mike Brant qui la réintroduit en France sous le titre Dis-lui. En 1976, Feelings connaît un succès mondial : 500 enregistrements différents dans le monde entier, et dans toutes les langues. Ce succès est également dû au fait qu'il s'agit d'une des dernières chansons enregistrée par l'artiste avant sa mort (Mike Brant n'en écoutera jamais le disque). Les versions de Feelings enregistrées aux États-Unis par Elvis Presley et Frank Sinatra connaîtront par ailleurs un très grand succès.
En décembre 1977, Loulou Gasté découvre que la chanson qui trône en tête des hits parades depuis des mois est en fait le plagiat d'une de ses chansons, écrite une vingtaine d'années plus tôt. Il découvre également que l'éditeur n'est autre qu'Augusta Do Brazil, avec qui il avait été en relations d'affaires, du fait qu'il sous-éditait ses chansons dans les années 1950 et 1960. Pendant sept ans, devant les juridictions françaises puis américaines, Loulou va devoir se battre pour faire reconnaître la paternité de sa chanson.
Retrouver Morris Albert ne sera pas une mince affaire, on finira néanmoins par l'atteindre en Californie. Le procès en plagiat est engagé en juin 1981. Il durera jusqu'en juillet 1987, tant en France qu'aux États-Unis. Cependant, grâce à la « signature », à la « touche Loulou Gasté », (ici une transition harmonique originale du couplet au refrain), les tribunaux américains reconnaissent, le 11 juillet 1987, que Loulou Gasté est bien l'auteur de la chanson Feelings. Bien que la partie adverse tente de faire appel, le 22 décembre 1988 Loulou Gasté est définitivement reconnu comme le compositeur légitime de cette chanson. Ce procès, en 2007, fait toujours jurisprudence.
Actuellement, il existe plusieurs versions de cette chanson interprétée par les plus grands et celles-ci sont parfois inattendues. Ainsi, Feelings a été reprise par les Offspring, version punk rock. Il existe aussi une version interprétée par Patrick Fiori et Julie Zenatti sur l'album Feelings - Hommage à Loulou Gasté sorti en 2001.
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Commentaires
1 jeanine Le 14/06/2014
2 janine Le 14/06/2014