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Les cons et la connerie
L’étymologie
Étymologiquement, le mot con désigne le sexe de la femme. C’est dans ce sens que le prend Aragon dans son livre Le Con d’Irène. La dérive du sexe à l’insulte est très certainement misogyne. C’est peut-être dans la « passivité » du sexe féminin dans l’acte sexuel que l’insulte trouve son fondement, cette passivité renvoyant à l’inertie physique puis à l’inertie intellectuelle. La connerie est alors, selon cette étymologie, une incapacité d’agir, de réagir, de faire, de résoudre, de construire, de comprendre, etc.
A quoi renvoie l’insulte ?
Le mot con renvoie à des considérations d’ordre intellectuel, l’insulte visant alors les capacités de compréhension : résoudre un problème, comprendre un raisonnement, appréhender des règles logiques, utiliser des paramètres pour mener à bien une finalité. Mais un con peut aussi parfaitement mener à bien un processus sans voir que le but est inutile ou vicié. On verra alors qu’un con ne manque pas toujours d’intelligence.
Le mot con est aussi utilisé pour qualifier l’aveuglement devant l’expérience, qui mène à des jugements illusoires, à des idées banales, à des comportements psychorigides, dogmatiques et bornés.
On l’utilise également dans le vocabulaire relationnel : un con ne prend pas en considération, ou fort peu, autrui. Il est peu sympathique, dénigrant ou méprisant. Au con manque alors la psychologie nécessaire pour compatir avec les autres. On utilise aussi cette insulte pour marquer la carence culturelle, mais une carence qui est incroyable, peu commune, tant la culture attendue est élémentaire.
On peut noter que l’insulte qualifie les personnes qui disposent normalement des moyens d’éviter d’être con. On suppose par exemple que les données d’un problème sont utilisables par tous. On ne traitera pas de con celui qui ignore tout d’un sujet particulier, celui qui n’arrive pas à résoudre un problème mathématique complexe, ni une personne victime d’un accident, d’une maladie, ou autre, qui l’empêchent d’utiliser toutes ses capacités.
On est d’autant plus con qu’on a la capacité de ne pas l’être. Alors je traite l’autre de con parce qu’il devrait savoir, parce qu’il devrait faire. La connerie est impuissance, impossibilité, inertie, inaptitude de l’être à résoudre des problèmes de toute sorte en s’adaptant. Mais cela, insistons, relève de tout ce qui est considéré comme basique. Avec un peu de réflexion …
Être con : aveuglement et constance
Le mot con marque ainsi une incapacité surprenante, un manque étonnant compte tenu de l’aptitude considérée comme commune. L’insulte qualifie celui à qui manque ce qui normalement ne doit pas manquer. Mais le mot qualifie aussi une connaissance, un savoir-faire qui est légitimement attendu et qui fait défaut, comme on attend d’un médecin une certaine compétence. Mais ce qui frappe est la constance du manque. Un con, en effet, ne tire aucune conclusion de son échec et continue. Il persévère dans son comportement. La même attitude fait des ravages chez les technocrates qui appliquent ou mettent au point des règles inapplicables ou totalement imperméables aux situations concrètes. Et ils insistent. Il convient alors de savoir tirer des leçons de l’expérience afin de s’adapter au monde, afin d’adapter la théorie à la pratique, et inversement. Cette adaptation, cette ouverture différencient un con occasionnel et un con qui persiste.
Cette persistance est la marque du dogmatisme qui, loin de tirer des leçons de la réalité, reste éperdument attaché à des principes, à une théorie que les faits contredisent manifestement. Il y a ici une impossibilité à rendre la théorie adéquate au réel. La certitude de détenir la vérité exclut toute possibilité d’infirmation, quand bien même celle-ci serait avérée.
La connerie est une insistance établie que rien ne peut déstabiliser. Considérons la première guerre mondiale. Durant la bataille du Chemin de Dames, pour prendre un exemple significatif, des hommes sont envoyés à une mort inutile. La stratégie est inefficace, inappropriée, ridicule car stérile. Or la connerie consiste à maintenir cette « stratégie ». Les officiers supérieurs restent imperturbables face à l’évidence du ratage. Il y a une incapacité de tirer des leçons des faits. Et le manque est tellement incroyable qu’il porte à penser que c’était intentionnel. « C’est pas possible d’être aussi con, ils le font exprès. »
Un con et son nombril
Un con a tendance à généraliser : chacun doit penser et agir comme lui. Il recherche toujours un moyen d’échapper à la reconnaissance et à la responsabilité de son erreur, de son illusion, de son échec. Alors c’est la quête de l’excuse, du motif, de la justification, et la plupart du temps en ne considérant pas le bon sens élémentaire. Alors l’ego peut finir dans l’échappatoire la plus ridicule et ainsi dans la connerie : j’ai perdu, oui mais j’avais mal dormi, j’avais mal mangé, j’avais le soleil dans les yeux, et l’autre avait triché, certainement, et j’avais mal à l’orteil, etc.
L’ego, trop fort, finit dans la psychorigidité. Mais parfois le nombril est trop petit, alors un con, loin d’être enraciné, flotte aux quatre vents, il change sans cesse d’avis, prêt à suivre les propos du premier beau parleur venu. C’est alors sans doute dans les extrêmes que l’on trouve le plus de cons.
Qui sont les cons ?
Le point commun dans les blagues nombreuses qui prennent les Belges et les blondes pour « cibles » est le total décalage qu’il y a entre leurs actes, comportements et pensées, et les événements, ou autrement dit la réalité. Mais les cons ne sont pas toujours seulement où l’on croit. Disons plus précisément que la connerie ne touche pas que les individus. Quand une société tronque l’homme en faisant appel à ses pulsions les plus basses, quand elle réduit le monde a une partie de plaisirs, ou à un catastrophisme simpliste, où à un enfermement dans un travail aliénant (et toujours plus), quand elle crée incessamment des besoins, quand elle réduit la personne à une chose, quand elle soustrait l’homme à la réflexion pour le livrer à des agitations élémentaires, etc. alors on peut dire d’elle qu’elle est conne. Conne quand le principe d’un système est en même temps sa propre mort : la spéculation capitaliste se saborde elle-même. Elle ne voit pas, et ce depuis plus d’un siècle, que sa nourriture l’empoisonne. Conne quand le sens de la valeur est perdu, quand tout est tout et réciproquement. Quand un présentateur d’émission littéraire lit une « magnifique » phrase d’un livre, choisit pour sa valeur, et qu’on entend une envolée dans le genre : « Tes yeux brillent comme un soleil d’été », alors on se frotte le sens littéraire un peu abasourdi. Où est la littérature ? Partout. Conne quand on identifie la qualité et les chiffres des ventes, ce que certains médias ne manquent jamais de faire. Conne quand ce qui est médiatique est relayé par nous, les gens, parce que « vu à la télé ». Alors on achète, on suit le mouvement. Conne quand un petit nombre d’intellectuels, au sens très large du terme, sont irrémédiablement convoqués dans les médias pour donner leur avis sur tout, ou sur un point. Toujours les mêmes : sur le terrorisme, la politique, l’éducation, la crise, etc. Les mêmes. S’il faut parler de littérature, du plumage des oiseaux, de métaphysique ou de poissons rouges, le même. (Ici, il faut se reporter aux paroles de ma chanson: Madame la connerie)
Mais attention ici de ne pas condamner la société et les médias en général sans considérer chacun d’entre nous. La société, entité désincarnée, serait la seule responsable, ce qui, du coup, déresponsabilise ceux qui y vivent. Ce serait trop facile. Car cette condition sociale n’est possible que parce que chaque citoyen y participe, la fortifie, la consolide. Il est facile par exemple de critiquer une chaîne de télévision dont les programmes sont ineptes, mais plus difficile de mettre en avant que cette chaîne a la meilleure audience. La responsabilité du spectateur est engagée car personne n’est obligé de regarder. Nous participons tous, peu ou prou, à la connerie ambiante. Et bien sûr nous sommes au courant de telle « information » dans tel magazine people, mais on sait que c’est bête, et en plus « on ne l’achète pas » on l’a vu dans la salle d’attente chez le dentiste.
La connerie et l’opinion
Nous sommes tous plus ou moins persuadés de bien juger, de savoir et de comprendre les choses, si ce n’est en totalité, du moins en partie. Pourtant, nous sommes tous à un moment ou à un autre victime de nos opinions ou de la pensée unique qui s’impose. Elle s’impose en effet parce qu’elle est vraisemblable, qu’elle a des arguments, qu’elle n’est pas inepte sinon tout le monde, ou presque, s’en rendrait compte. Mais elle est malgré tout exclusive en ce qu’elle rejette a priori ce qui la relativise ou l’infirme. « Dans toute cette agitation, ce n’est pas la raison qui remporte le prix, mais l’éloquence ; et aucun homme ne doit jamais désespérer de gagner des prosélytes à l’hypothèse la plus extravagante, s’il a suffisamment d’art pour la présenter sous des couleurs favorables quelconques. » (Hume, Traité de la nature humaine.)
Alors un con généralise en utilisant un principe à toutes les sauces, si l’on peut dire, ce qui mène souvent, voire toujours, à l’échec. Notons bien ici qu’un con, loin d’être un ignorant, a une connaissance, mais il la considère comme aboutie, universelle, nécessaire, définitive alors qu’elle ne l’est pas, ou qu’elle ne l’est qu’en partie. Un con croit savoir et ajoute ainsi à ses propos le contentement.
L’opinion est souvent véhiculée par des clichés réducteurs qui ont pourtant la vie dure: les gros sont de bons vivants ; celui qui ne regarde pas dans les yeux est fourbe, etc. Elles figent la complexité du réel dans des cadres prédéfinis et clos. La connerie est liée par essence au simplisme. Dans un monde chaotique, angoissant, aléatoire, l’être humain semble spontanément rechercher une stabilité, une nécessité existentielle qui cadre, qui définit et qui ainsi rassure. Autre formule : il faut respecter toutes les cultures. Ainsi toute discussion est close. Aucune critique n’est possible. Tout est à prendre. Ni nuances, ni distinctions, ni remise en cause, ni analyse. Alors donc, si la violence, la soumission et autres, font partie d’une culture, il faut l’accepter. On peut, et on doit respecter les différences, mais cela ne signifie pas qu’il faille respecter tout ce qui fait partie d’une culture. Mais le savoir emballé et scellé rassure, et pas besoin de s’agiter. La mer est calme.
S’il fallait une devise à la connerie, celle-ci lui irait à ravir : Un point c’est tout. « Un voleur est un voleur. » « Les affaires sont les affaires » ; les proverbes : « Trop poli pour être honnête » ; les grandes « vérités » : « Tel père, tel fils », etc., marquent bien cet achèvement. Les choses sont ainsi de toute éternité, pour toujours, à jamais. Le point marque la fin d’une phrase. Il est alors impossible de rajouter quelque chose. ‘Un point c’est tout’ signifie en d’autres termes : « Taisez-vous ! » j’ai « métaphysiquement » raison. Or cela va de pair le plus souvent avec une certitude suffisante, arrogante, dédaigneuse, méprisante. Le con est un gros-plein-de-satisfaction : « Avez-vous réfléchi quelque fois (…) à toute la sérénité des imbéciles ? La bêtise est quelque chose d’inébranlable, rien ne l’attaque sans se briser contre elle. Elle est de la nature du granit, dure est résistante. » (Flaubert, Lettre à Parain, 6 octobre 1850).
Quelques belles citations
On dit toujours qu'on peut pas être et avoir été. Eh ben, j'en connais un, dis donc, il a été con et il l'est encore !
Coluche
Au championnat du monde de la connerie il finirait deuxième, il est trop con pour finir premier !
Coluche
Comme disait mon grand-père, tous les ans il y a de plus en plus de cons, mais cette année j'ai l'impression que les cons de l'année prochaine sont déjà là.
Patrick Timsit
Traiter son prochain de con n'est pas un outrage, mais un diagnostic.
Frédéric Dard
Quand on mettra les cons sur orbite, t'as pas fini de tourner.
Michel Audiard
Faut pas parler aux cons, ça les instruit.
Michel Audiard
Dans la vie, ce qui est grave, c'est pas tellement d'être con ! C'est de le rester !
Ludovic Roubaudi
Les cons, ça ose tout. C'est même à ça qu'on les reconnaît.
Michel Audiard
Il faut toujours avoir l'air d'être con, si on veut pouvoir paraître intelligent de temps en temps.
Sigmund Freud
Un intellectuel assis va moins loin qu'un con qui marche.
Michel Audiard
Vous savez quelle est la différence entre un con et un voleur ? ... Un voleur, de temps en temps ça se repose !
Georges Lautner
Quand j'entends discourir des cons au restaurant, je suis affligé, mais je me console en songeant qu'ils pourraient être à ma table.
Frédéric Dard
On dit toujours "Les sportifs c'est des cons !" Bon. Mais c'est l'esprit d'équipe...C'est des mecs qui sont une équipe, y z'ont UN esprit ! Alors ils partagent !
Coluche
C'est pas possible! Pour être aussi con, tu as appris.
Jean Yanne
La plus grande surprise chez un con, c'est qu'il fasse une pause.
Dominique Chaussois
La chanson est une industrie parce qu’une poignée d’imbéciles a réussi à être moins con que le reste.
Coluche
J'ai divisé la société en deux catégories : mes amis ou mes cons à moi, et les cons des autres que je ne supporte pas.
Michel Audiard
Tolérance : c'est quand on connaît des cons et qu'on ne dit pas les noms.
Pierre Doris
Les vieux cons ne sont jamais que de jeunes imbéciles qui ne se sont pas améliorés avec le temps.
Jean Amadou
Pour les aveugles, on dit non-voyant, pour les sourds, non-entendant, et pour les cons, non-comprenant.
Guy Bedos
La société de consommation porte mal son nom, car un con ne fait généralement pas de sommation avant de dire une connerie en société.
Marc Escayrol
Con: exige un adjectif qui l'accompagne. Le vrai con, le sale con, le petit con, le pauvre con, etc. Sinon ça ne veut rien dire.
Jean Rigade
Quand vous citez un texte con, n'oubliez pas le contexte.
Jacques Prévert
Quand le soleil brillera que pour les cons, il aura les oreilles qui chauffent.
Renaud
La télé, c'est tellement con que même les pigeons ne se posent plus sur les antennes.
Jean-Marie Gourio
Nos amies les bêtes, dont nous nous moquons, elles sont peut-être bêtes, mais elles sont pas cons.
Pierre Perret
Gardons-nous de donner la parole aux cons. Ils ne veulent jamais la rendre.
Philippe Bouvard
Jeux de mots amusants
Les cons sont mateurs; Donc les cons voient mais attention aux cons voyeurs.
Autrefois le con fit dans ciel, aujourd'hui il est dans terre. On dit que ces cons testent à terre, et sont ainsi des cons sol.
Dans les églises on remarque surtout des cons fessés, des cons sacrés et des cons cierges; Mais très peu de cons damnés.
La nuit, le vrai et le faux con dort.
Les cons vivent en communauté; Ce sont des cons centrés.
Quand un con va laissant les cons joints, les cons s'aident on dit que ce sont des cons qui s'adorent.
À la banque, les cons signent leurs cons de chèque. Mais hélas, il y a les cons fiscs
Les cons s'hument et remarquent que les autres cons sentent.
Les cons courent, les cons tournent et les cons viennent, mais les automobilistes font attention aux cons tres denses.
En hiver les cons gèrent et les cons gèlent. Laissons les cons fondre.
Evitez les bals cons, les cons battants et les cons vaincus.
Au café-spectacle le con sert et les cons servent mais laissent généralement les cons danser.
À des fins d'analyse, je me suis emparé d'un con et depuis c'est un con pris. J'étais obligé; Il ne fallait pas con prendre mais c'était un con promis.
Enfin : ce con, je l'ai, il s'est installé en Suisse, il est cuisinier et ce con fait des rations helvétiques.
Cherchez les autres jeux de mots dans les dernières phrases, pour montrer que vous n'êtes pas un imbécile!
Si vous en connaissez d'autres, envoyez-les!
Remise du grand prix du connard au volant
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Commentaires
1 jolivald Le 19/09/2011
merci!
2 jolivald Le 19/09/2011